Madame Filomena
05.02.81 14.03.81

Madame Filomena

U

ne peinture malicieuse et haute en couleur de la bourgeoisie et du menu peuple napolitain. Une œuvre qui allie à merveille le rire à une leçon politique et sociale.

Dans la pièce, les protagonistes tendent à rechercher leur propre identité, leur propre dignité, qu’enfin ils recueillent en se libérant de leur propre égoïsme et de leur propre orgueil, dans un élan de sincérité primordiale. Le Domenico indigné, offensé et vindicatif, et la Filomena agressive et moqueuse de la première scène deviennent plus intimement sincères et plus profondément humains dans les dernières scènes. Les personnages secondaires, et surtout les deux serviteurs, nous sont très sympathiques grâce à la manière affectueuse avec laquelle l’auteur les a traités et cela les fait participer profondément à l’action à laquelle ils auraient bien peu de part, sinon pour l’attachement qu’ils montrent envers leurs maîtres respectifs. Rosalia partage avec Filomena une intime solidarité, non seulement parce que l’une a comblé l’autre de bienfaits, mais parce que toutes deux partagent l’expérience de la même injustice. Alfredo est tout dévoué à son exubérant maître et le sert comme un père adoptif. Il est un peu la projection d’un Domenico plus vieux, le témoignage de ce que, au moins physiquement, les années à venir vont réserver à Domenico.

Dans cette œuvre, ne manque pas non plus l’intention d’une critique sociale. Les deux longues évocations du passé de Filomena ne sont pas de la rhétorique superflue, mais jouent le rôle d’un symbole, d’une dégradation forcée et d’une longue lutte pleine de sacrifices qui mettent la société en question.

Eduardo De Filippo lui-même dit que dans cette pièce il y a du symbolisme et une allégorie. Filomena représente la soif éternelle de justice des hommes. Domenico est l’État constitué et les fils sont ses produits, c’est-à-dire les diverses classes sociales. Avec Filomena, le peuple prend conscience de lui-même, de ses droits, de la tromperie dont il est victime et il se rebelle, il tente de secouer avec sa grande force d’amour et de haine l’État engoncé dans son indifférence et dans la défense des privilèges. Domenico qui, ensuite, accepte la paternité collective, représente l’État qui, grâce à la seule égalité de toutes les forces sociales, forces sociales symbolisées par les trois fils de Filomena qui sont respectivement ouvrier, commerçant et écrivain, peut trouver son équilibre, une plateforme de lancement pour son propre progrès. Tous les enfants sont le fruit de l’union d’un homme et d’une femme et quand bien même ils seraient illégitimes, ils ont droit à une famille et l’État ne doit pas s’en désintéresser et les mettre au ban de la société. L’acte de solidarité et de compréhension de Domenico qui se rapproche de Filomena et de ses fils représente l’amour entre les catégories sociales. C’est la solution qu’Eduardo indique et souhaite pour la société italienne après tant d’années d’oppression, d’inégalité et d’injustice sociale.

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  • Une pièce de

    Eduardo de Filippo

  • Texte français

    Jacques Audiberti

  • Mise en scène

    Danièle J. Suissa

  • Assistance à la mise en scène

    André Lemieux

  • Concepteurs

    Décors et éclairages ROBERT PRÉVOST Costumes FRANÇOIS BARBEAU

  • Graphisme

    Gérald Zahnd

  • Photos de production

    © Guy Dubois