ous les jeudis (comme des écolières), Sonia, Maria et Hélène se retrouvent pour « goûter » et assouvir toutes leurs gourmandises, celles de leur passé, celles de leur enfance et aussi celles de leurs hommes.
Les Dames du jeudi ont été – et sont toujours – des petites filles qui se faisaient des grimaces et se tiraient les cheveux, des adolescentes amoureuses du grand frère, des femmes qui ont connu des drames sentimentaux et familiaux, mais n’ont pas oublié pour autant de prendre leur compte des espoirs, des combats, des malheurs du vingtième siècle. Aucun amant ne les aura aussi cruellement trompées qu’un certain Joseph Staline.
Le présent, le vrai, celui d’aujourd’hui, est fait de dérision : on se dispute pour une place dans un caveau de famille; on a des problèmes avec son corps, ses dents; on s’inquiète en vain pour la vieille amie toujours aussi fofolle qui se laisse éternellement gruger par un bon-à-rien de fils. Quant à l’avenir…
Lorsque la pièce commence, on pense aux Trois soeurs, pas seulement à cause des trois personnages féminins, mais il y a aussi le ton, la justesse de la voix, et l’art magique de faire rire presque tout le temps, alors qu’on devrait pleurer. Seulement, on s’aperçoit vite qu’il y a une différence fondamentale. La pièce de Tchékhov est l’histoire d’un espoir qui naît, devient immense et s’effondre. Quand le rideau se lève sur Les Dames du jeudi, tout est déjà joué. On n’a plus qu’à étaler les cartes et compter les points. Et qu’on ait gagné ou perdu, on ne peut rien y changer. Cette amère contraction du temps, quand on tient toute sa vie dans le creux de sa main, parce qu’elle est finie ou presque, nos dames du jeudi ont l’art d’y puiser parfois une infinie douceur, et c’est alors que nous nous sentons le plus près des larmes. C’est la dernière scène. La bonne grosse un peu fofolle qui nous a fait rire pendant la pièce, parce qu’elle oubliait trop souvent son âge, reste seule en scène. Elle va se coucher. Et elle retrouve les gestes de la petite fille qu’elle fut, il y a plus d’un demi-siècle, pour se rouler en boule dans son lit, et elle croit entendre la voix grondeuse et rassurante de sa mère. Pour dire ce qu’a été une vie, et combien on souhaite, de toutes ses forces, en abolir l’échec, la recommencer, on ne saurait être plus simple, plus vrai. Du grand art.
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* L’action se passe de nos jours à Paris.
Mise en Scène
Distribution
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C Monic Richard
Sutto
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Une pièce de
Loleh Bellon
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Mise en scène
Danièle J. Suissa
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Concepteurs
Décors MARCEL DAUPHINAIS Costumes FRANÇOIS BARBEAU Éclairages NICK CERNOVITCH Bande sonore ADRIEN GODDU
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Graphisme de l'affiche
Gérald Zahnd
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Photos de production
© Guy Dubois