L’amante anglaise
22.05.72 27.05.72

L’amante anglaise

M

arguerite Duras, s’inspirant d’un fait divers, avait jadis écrit une pièce intitulée Viaducs de Seine-et-Oise. De cette œuvre, elle avait tiré une sorte de roman « parlé » qu’elle a transformé en pièce de théâtre.

Le fait divers

Une femme a assommé son mari. À l’aide d’une hachette, elle a découpé le corps en morceaux et les a jetés, du haut d’un pont de chemin de fer, dans les wagons de marchandises des convois de passage. La criminelle a avoué dès qu’elle s’est trouvée en face de la police mais elle n’a jamais donné d’explications.

La pièce

Marguerite Duras reprend les personnages: une femme tue sa cousine sourde et muette, la coupe en morceaux et se débarrasse des débris en les faisant tomber dans les trains passant au-dessous du Pont de la Montagne Pavée à Viorne. L’enquête policière établit rapidement qu’il s’agit de Claire Lannes. Son mari, Pierre, sans grand caractère, est dépassé par les événements. Par l’intermédiaire d’un interrogateur, Marguerite Duras va questionner, jusqu’à l’épuisement, ces deux êtres singuliers.

 À quelqu’un qui lui demandait pourquoi Claire Lannes tue sa cousine germaine dès le début de l’histoire, Marguerite Duras répondit: « Parce que je voulais savoir qui était Pierre Lannes et avoir son témoignage sur sa femme. Je l’ai sorti de son cercueil pour qu’il soit entendu de tous une fois dans sa vie. Il était aussi sourd et muet que la victime: c’est la petite bourgeoisie française, morte vive dès qu’elle est en âge de  »penser », tuée par l’héritage ancestral du formalisme. En lieu et place de cette borne, Claire Lannes a tué une véritable sourde et muette. D’ailleurs, ses raisons, si elle avait pu les donner, auraient sans doute été les mêmes, qu’elle ait commis tel crime ou tel autre crime: elle a tué la mort même. »

Sur le passé de Claire, on sait seulement qu’elle est née à Cahors, y a vécu, et qu’un jour, elle a rencontré l’agent de Cahors. Elle y a alors connu « l’amour fait pour durer toujours ». Pierre Lannes va au café tous les soirs. Claire l’accompagne. Il est l’ami du patron; elle, l’amie d’Alfonso Rignieri, un ouvrier agricole d’origine italienne qui passe pour un peu simple. Alfonso est le seul à écouter ce que raconte Claire Lannes. Y a-t-il eu une liaison entre eux deux ? On ne sait là-dessus que ce qu’Alfonso dit: qu’il y a une dizaine d’années, il a eu un sentiment pour elle et que, s’il n’y avait pas eu Pierre avec qui il entretient de bonnes relations, il l’aurait prise avec lui dans sa cabane.

La nuit, Alfonso et Claire se promenaient dans Viorne et ils se rencontraient. Personne ne le savait autour d’eux. Comment appeler cette sympathie si grande ? Et qui aurait pu prendre la forme de l’amour, mais d’autres formes aussi ?… celle d’une complicité secrète qui aurait porté sur des actions nocturnes, de sabotage par exemple.

Impossible de savoir si Alfonso sait que Claire a tué sa cousine. À l’instruction, ils ne parlent que de leurs sorties « tranquilles », la nuit. Il fait partie de ces hommes qui se taisent, qui vivent dans l’épouvante de la police, qui se veulent libres avant tout, qui travaillent pour manger et n’aiment pas l’argent, qui vivent dans un dénuement complet et qu’on trouve morts de froid un matin.

La pièce fut créée à Paris au Théâtre National Populaire (Salle Gémier) en novembre 1968.

** Une production de la compagnie Renaud | Barrault

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Mise en Scène

Distribution

  • Une pièce de

    Marguerite Duras

  • Mise en scène

    Claude Régy

  • Concepteurs

    Dispositif scénique JACQUES LE MARQUET Trame sonore ADRIEN GODDU, CLAUDE DUFRESNE

  • Graphisme de l'affiche

    © Gérald Zahnd

  • Photos de production

    © Guy Dubois