Dialogue des carmélites
13.02.59 07.03.59

Dialogue des carmélites

B

lanche de la Force, de nature anxieuse, entre chez les Carmélites au début de la Révolution française. Bien que les règles strictes du couvent lui procurent un sentiment de sécurité, elle est toujours en proie à des angoisses existentielles, surtout après avoir assisté à l’éprouvante agonie de la Prieure.

Le sujet des Dialogues n’appartient pas en propre à Bernanos. Le martyre des Carmélites de Compiègne avait inspiré à la grande romancière allemande Gertrud von Le Fort une nouvelle, La dernière à l’échafaud, dont le personnage central, Blanche de la Force, est une créature imaginaire. Mme von Le Fort prenait en effet avec l’histoire les libertés auxquelles a droit le poète et qui lui étaient d’autant plus nécessaires qu’à travers l’angoisse de Blanche, c’est sa propre expérience qu’elle exprimait. Bernanos avait lu ce petit chef-d’œuvre longtemps avant la guerre. Mais c’est en 1947 seulement qu’il fut amené, par une circonstance toute fortuite, à composer une œuvre dont Blanche et ses compagnes allaient être les héroïnes.

Le R. P. Raymond Bruckberger et Philippe Agostini, qui avaient fait ensemble un scénario de film d’après La dernière à l’échafaud, demandèrent à Georges Bernanos d’en écrire les dialogues. Aucune proposition ne pouvait venir plus opportunément, et il faut sans doute y reconnaître une intervention providentielle. Il y avait près de dix ans que Bernanos avait abandonné la création romanesque, non pas qu’il ne portât encore en lui tout un monde de personnages, mais parce qu’il s’était donné sans réserve au sort commun des hommes et jeté à corps perdu dans la lutte temporelle. Sans l’heureux hasard qui nous a valu son ultime chef-d’œuvre, il est probable qu’il n’eût plus écrit que des pages de combat.

Mais sa rencontre avec les Carmélites de Compiègne eut pour lui un sens plus profond encore. Elles apparurent pour l’assister dans son agonie et pour que sa vie tourmentée s’achevât dans la contemplation enfin apaisée du mystère dont il n’avait jamais détourné son regard anxieux. Des premières lettres de Bernanos enfant jusqu’à cette œuvre ultime, à travers tous ses livres et toute sa vie, le thème de la Peur constitue une sorte de centre auquel tout ramène sa pensée. La peur avait été la compagne familière et redoutable de son enfance, l’inévitable présence à ses côtés durant ses quatre années de guerre; elle avait régné sur ses personnages et sur toute l’ambiance de son univers romanesque; c’est à elle encore qu’il faisait front lorsqu’il essayait de comprendre l’histoire de son siècle. On peut dire, sans exagérer, qu’il ne tenta jamais autre chose que de surnaturaliser l’angoisse humaine; il y parvint en comprenant de mieux en mieux que la Sainte Agonie donne son sens à toute agonie d’homme, ou plutôt, comme il le disait, qu’elle est chacune de nos agonies.

Sur cette voie spirituelle, les dialogues que Bernanos écrivit de janvier à la mi-mars 1948 sont l’étape dernière. Le jour rrtême où il en traça les lignes finales, Bernanos s’alita pour ne plus se relever, et moins de quatre mois après il mourait en disant : « Voici que je suis pris dans la Sainte Agonie ». Les Dialogues furent composés au prix l’un labeur acharné, jour après jour conquis sur la souffrance physique. Ils furent composés, surtout, par un homme très lucide, qui se savait affronté déjà à sa propre mort.

Si ces pages sont peut-être les plus belles qu’il ait écrites, elles le doivent à ce rapport entre leur sujet et l’auteur. Autant qu’une œuvre, ce fut pour lui un exercice et une contemplation quotidienne.

Présenté par la troupe du Rideau Vert au Théâtre du Gesù.

 

CONSULTEZ LE PROGRAMME DE SOIRÉE ICI

  • Une pièce de

    Georges Bernanos

  • D'après une nouvelle de

    Gertrud Von Le Fort

  • Adaptés à la scène par

    Albert Béguin et Marcelle Tassencourt

  • Mise en scène

    Jean Dalmain

  • Concepteurs

    Décors ROBERT PRÉVOST Costumes FRANÇOIS BARBEAU Effets sonores MAURICE HÉBERT

  • Visuel de l'affiche

    Jean-Claude Perron

  • Photos de production

    Marcel Lafontaine