ssayez, pour voir, de déloger une poule couveuse de son nid. Elle vous lancera dans sa langue des jacassements dramatiques, et défendra sa vision de la justice, sa part d’amour et le droit des siens à la survie, de la même manière qu’Antigone, Juliette ou Pélagie…
… de la même manière que la Sagouine qui n’a pas fini après douze ans de chuchoter son indignation et de hurler son besoin d’amour et du printemps.
« C’est une histoire vraie que je vous raconte. L’histoire de la Sagouine, femme de la mer, qui est née avec le siècle, quasiment les pieds dans l’eau. L’eau fut toute sa fortune : fille de pêcheur de morue, fille à matelots, puis femme de pêcheur d’huîtres et d’éperlans. Femme de ménage, aussi, qui achève sa vie à genoux devant son seau, les mains dans l’eau.
C’est là que je l’ai surprise, entre son balai et ses torchons, penchée sur son seau d’eau sale qui a, durant un demi-siècle, ramassé toute la crasse du pays. De l’eau trouble, mais capable encore de refléter le visage de cette femme qui ne s’est jamais mirée ailleurs que dans la crasse des autres.
Je vous la livre comme elle est, sans retouches à ses rides, ses gerçures, ou sa langue. Elle ne parle ni jouai, ni chiac, ni français international. Elle parle la langue populaire de ses pères descendus à cru du XVIe siècle. Elle ne sait pas, la Sagouine, qu’elle est à elle seule un glossaire, une race, un envers de médaille. Car elle se définit elle-même comme une « citoyenne à part entchére ». Ce qu’elle ignore, c’est que la part des autres est plus entière que la sienne.
Elle a soixante-douze ans. Elle fourbit. Elle est seule. Elle n’a pour tout décor que son seau, son balai et ses torchons. Son public est en face d’elle, autour d’elle, mais surtout, à ses pieds, dans son seau. C’est à son eau trouble qu’elle parle. Et c’est de là que je l’ai entendue. »
– Antonine Maillet
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* Tableaux : Les cartes, La résurrection, Les bancs d’église, La lune, La loterie, Le printemps.
Mise en Scène
Distribution
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C Dolores Breau
Léger
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Une pièce de
Antonine Maillet
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Mise en scène
Yvette Brind’Amour
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Concepteurs
Dispositif scénique CLAUDE GIRARD Costumes FRANÇOIS BARBEAU Éclairages NICK CERNOVITCH et LOUIS SARRAILLON Accessoires LUC RONDEAU
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Graphisme
Gérald Zahnd
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Photos de production
Guy Dubois