La reine morte
20.11.58 13.12.58

La reine morte

S

entant sa mort arriver, le roi Ferrante du Portugal veut mettre en ordre son royaume. Il ordonne ainsi à son fils, le prince Don Pedro, d’épouser l’Infante de Navarre, Dona Bianca, ce qui créerait une alliance politique entre les deux royaumes contre la Castille. Il la fait venir en son royaume afin que les deux jeunes se rencontrent.

Ce qui frappe le plus, dans cette lecture, c’est l’étonnante liberté dont Monsieur de Montherlant fait preuve à l’égard de ses personnages. Inès, Pedro, L’Infante, le Roi Ferrante sont dénudés avec une franchise qui ne s’exerce que rarement sur les personnages historiques…

Cette liberté de l’auteur vis-à-vis de ses modèles historiques ne dépend pas seulement de son génie, mais aussi du choix de ses sujets. Monsieur de Montherlant a dû recevoir avec joie, des mains de monsieur Jean-Louis Vaudoyer, les personnages du Roi Ferrante et d’Inès de Castro, qui sont, dans l’inconscient des foules françaises, sans racines, sans attaches, presque sans existence. À peine éveille-t-il, chez certains lettrés, de vagues souvenirs de lectures étrangères. Ce sont des moules dramatiques dans lesquels l’écrivain peut déverser son torrent de matière incandescente, sans que résiste ou proteste aucun des témoins de l’opération.

Le résultat de l’entière liberté créatrice se fait sentir dès les premières scènes de La reine morte. Et plus fortement, peut-être, dans celle du deuxième acte où Ferrante veut connaître les motifs réels qu’a son conseiller de le pousser au meurtre d’Inès. Où trouverait-on, dans le répertoire moderne, des répliques tirant vers l’expression et exposant d’un jour aussi cru les « raisons ignobles » qui fermentent dans les profondeurs des âmes ? Seul, Dostoievski a su creusé des gouffres analogues. Eut-il pu le faire, s’il avait élu des personnages doués pour le lecteur d’une existence préalable ? Ce sont les rapports obligés de peintre à modèle qui refroidissent la plupart des pièces historiques.

La grande hardiesse, dans La reine morte, et la trouvaille dramatique qui renouvelle les mobiles habituels du meurtre, c’est d’avoir cherché les racines de la décision meurtrière non pas dans la raison d’État, ni dans l’ambition politique, ni dans la vengeance, ni dans la haine, mais dans la fatigue, l’indifférence, la satiété du Roi Ferrante dans toute une gamme de sentiments et d’états de conscience apparemment rassurants. Un immense voile d’incertitude flotte sur les mobiles inconscients de Ferrante. Son âme semble enlisée dans la paix des marécages. Putride, mais assouvie. Et c’est cette fausse sécurité qui maintient en nous, présente jusqu’à la fin, l’angoisse dont doit vivre un drame tel que celui-ci.

Ce dialogue où la pureté s’enlace à la corruption, l’absolutisme aveugle de la jeunesse à la profonde ambivalence de l’âge, atteint les sommets du pathétique et de la grandeur. Car, dans un temps où la mort a perdu toute importance, toute signification, où elle se répand sur l’espèce, aussi banale et moralement injustifiable qu’une épidémie, c’est affirmer sa foi dans la valeur de la vie humaine que de lentement tourner autour du complexe de l’assassinat, et de nous inspirer l’effroi d’un geste devant lequel l’accoutumance risque de nous rendre sinistrement consentants.

Présenté par la troupe du Rideau Vert au Théâtre du Gesù.

 

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Mise en Scène

  • Une pièce de

    Henry de Montherlant

  • Mise en scène

    Loïc Le Gouriadec

  • Concepteurs

    Décors et costumes ROBERT PRÉVOST Chapeaux JULIENNE ARRAS

  • Visuel de l'affiche

    Robert Prévost

  • Photos de production

    Marcel Lafontaine

EN TOURNÉE

Le 17 janvier 1959 au Théâtre Capitole de Québec